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AnthropologieDuDon

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Type: Théorie
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L'anthropologie du don est une branche de l'anthropologie, proche de la sociologie du don, dont l'objet est l'étude du don, de ses manifestations, de ses causes et de ses conséquences dans les sociétés organisées.

Histoire du courant

Au départ cantonnée à l'étude des sociétés (abusivement) dites primitives (ou premières), elle a orienté dès les années 1970 son champ d'analyse sur les sociétés industrielles et pré-industrielles (type agraires, féodales, etc.).

Les adeptes du courant considèrent généralement la publication par Marcel Mauss de son fameux Essai sur le don, comme l'acte fondateur de l'anthropologie du don. Et le texte est d'ailleurs très souvent commenté et cité dans les articles se rattachant à l'anthropologie du don.

Néanmoins, au delà de ce "mythe fondateur", ce n'est vraiment que vers les années 1950, avec l'essor de l'anthropologie économique et ses premières controverses avec la science économique, que celle-ci se développe véritablement, et qu'elle désigne, à posteriori, ceux qu'elle considère comme étant ses précurseurs.

Le don comme élément constitutif de la société

S'il existe des divergences au sein du courant, tous les auteurs s'accordent sur un même point, à savoir que le don est un élément constitutif et incontournable du lien social et, pour aller plus loin, de toute communauté et toute société humaine organisée.

Partout, en effet, comme le constate les auteurs de l'anthropologie du don, le don s'imisce et joue un rôle structurant, voire fondateur. Bien plus qu'un épiphénomène, qui se manifesterait au moment des festivités (comme noël), il est un élément permanent des interactions sociales, et surtout, il est un élément constructif de ces interactions. Il constitue un ciment social, la manifestation d'un contrat implicite, qui renforce la cohésion sociale et, ce faisant, qui produit et reproduit les institutions.

C'est en fait la thèse initialement défendue par Mauss, même s'il la développe en la jalonnant de points d'interrogations. Le don, à travers le mécanisme du don-contre-don, qui lui est (selon Mauss) presque consubstantiel, renouvelle, à chaque fois, le rapport de confiance, le lien social, le contrat latent qui unit les groupes entre eux ou les membres d'un groupe. Et, il n'agit pas comme un phénomène isolé, mais prend sens, et ne prend effet, qu'au sein d'un système social considéré dans son intégralité, avec toute la charge symbolique, économique, sociale qu'il véhicule, et qui est irréductible à un calcul économique.

Preuve en est, selon Mauss, que l'absence de retour, dans le don-contre-don, équivaut à une rupture du lien social, pouvant mener, au moins dans les sociétés primitives, à une situation de conflit. De plus, le don se manifeste au cours de cérémonies complexes, où il faut être dispendieux. Toute notion de calcul paraît alors disparaître dans l'esprit des acteurs qui échangent. Et le don s'efface au sein de l'interaction sociale, qui devient le véritable lieu où se crée le sens et la valeur des choses et des actes.

L'autonomie du don

Dans l'oeuvre de Mauss, cette interprétation du don a un caractère globalisant ; il est donc difficile, ou limitant de la fractionner. En effet, si le don-contre-don ne peut se comprendre que comme un fait social total, qui englobe la société dans son ensemble, l'envisager comme un simple mécanisme micro-économique est extrêmement réducteur. Pire, ce faisant, c'est la réalité même du don qui se trouve remise en cause. Le don devient un échange intéressé, où l'on donne dans l'espoir d'obtenir quelque chose en retour. Ce n'est donc plus un don.

Si les anthropologues des années 1950 à 1970 ont soigneusement évité cet écueil, l'essor et l'extension dans les années 1980 de la micro-économie a fait significativement reculer cette conception globalisante du don. A la place, la science économique y substitue un schéma extrêmement simpliste. Le don n'est qu'une forme d'échange primitive, qui a précédé le marché et dont il ne subsiste plus que quelques reliquats. C'est un échange économique intéressé, mais amputé des technologies modernes du marché (droit, monnaie, etc.), rien de plus.

En réponse à ce positionnement, et sous l'impulsion du courant anti-utilitariste, dans les années 1980, 1990, initié par Alain Caillé et Jacques Godbout, l'anthropologie du don instaure à nouveau la centralité du don. Il ne s'agit pas d'un phénomène marginal, que l'on devrait penser à l'aide des catégories et représentations issus de la science économique, et plus généralement, du monde moderne. Il s'agit au contraire d'une forme d'interaction sociale à part, bien spécifique, qui a ses propres logiques, et dont il faut percer le fonctionnement. C'est par exemple ce à quoi s'emploie Jacques Godbout, lorsqu'il met en évidence les nombreuses manifestations du don, mais aussi, les multiples formes qu'il peut prendre dans les sociétés contemporaines.

Il n'y a alors plus un don, mais une société du don, une économie du don, ayant sa propre logique, son propre mode de fonctionnement. Loin de constituer un phénomène marginal, le don est en réalité un élément constitutif d'une galaxie d'interactions sociales, de formes sociales, dont ni les interactionnistes symboliques ni les sociologues formels, et encore moins les économistes, n'avaient conscience. Bien loin de se limiter à une sociologie de l'engagement, toujours à la marge d'une sociologie formelle qui s'occuperait de comprendre le fonctionnement d'une société structurée et dirigée par des normes, des valeurs ou une rationalité hypothétique, l'anthropologie du don devient ainsi un véritable schème explicatif, qui construit une image complexe et mouvante de la société.

Société toujours en mouvement, où le don, l'échange, et les représentations qui les portent et qu'ils portent, ne peuvent se construire qu'au sein d'un espace social changeant qu'ils contribuent à modeler et à remodeler.

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